lundi 13 février 2012

4'33 (1952)

                                                                             4’33 (1952)

                                                            4'33 par David Tudor

4′33″ est une partition de musique avant-gardiste composée par John Cage, souvent décrite comme « quatre minutes trente-trois secondes de silence » (mais qui est en fait constituée des sons de l'environnement, que les auditeurs entendent lorsqu'elle est interprétée).

Le morceau a été écrit en principe pour le piano et est structuré de trois mouvements principaux. Sur la partition, chaque mouvement est présenté au moyen de chiffres romains   (I, II & III) et est annoté TACET (« il se tait » en latin), qui est le terme utilisé dans la musique occidentale pour indiquer à un instrumentiste qu'il doit rester silencieux pendant toute la durée du mouvement.
Elle a été créée par David Tudor.
Une note de John Cage complète cette partition:

« Le titre de cette œuvre figure la durée totale de son exécution en minutes et secondes. À Woodstock, New York, le 29 août 1952, le titre était 4′33″ et les trois parties 33″, 2′40″ et 1′20″. Elle fut exécutée par David Tudor, pianiste, qui signala les débuts des parties en fermant le couvercle du clavier, et leurs fins en ouvrant le couvercle. L'œuvre peut cependant être exécutée par n'importe quel instrumentiste ou combinaison d'instrumentistes et sur n'importe quelle durée. »


1.      Le silence chez John Cage

Le silence comme objet de création, tout comme le hasard et l’indétermination, sont au centre de ses recherches (tout comme Calder en arts plastiques, Cunningham en danse ou Paik au cinéma).
Selon Cage, le silence représente : « tous les sons que je ne détermine pas. Écoutez. Vous entendez des bruits de machines dans la cour, et ces voix ! Et bien, c’est comme cela que je fais ma musique, j’écoute la nature même du son ; D’ailleurs, n’importe lequel de ces sons que vous percevez çà et là est aussi intéressant que toute la musique que j’ai pu écrire »
Ces bruits non organisés, non définis dans la composition, relèvent de la notion de silence chez Cage. Il n’interviennent pas dans la création, comme dans la tradition classique (les jardins à la française, l’architecte Le Notre, l’art figuratif, ou la musique descriptive…)
On laisse intervenir les éléments de la vie, de la nature, sans les interpréter, les juger, les organiser ou les manipuler. Cela revient à écouter les bruits environnants dans une situation de concert.

Cela bouleverse les conceptions classiques de la musique, car il n'y a plus de barrière entre le bruit, le son et le silence. Chacun a sa place. Être musicien, pour Cage, c'est donc se tenir à l'écoute du monde.
Le silence est pour Cage un mythe, car on ne peut imposer le silence aux bruits ambiants. En réalité, nous appelons "silence" les bruits que nous ne voulons pas, et "musique", les bruits que nous organisons. Il n'existe donc pas de silence proprement dit mais un bruissement incessant, ce qui est en fait la véritable nature du silence.
Dans 4'33, pièce silencieuse pour n'importe quel(s) instrument (s) (1952), œuvre la plus indéterminée et la plus silencieuse qui soit, aucun son ne doit être produit. Par là, Cage veut montrer que de toute façon, il en existe. Il nous montre que le silence n'existe pas puisqu'on entend toujours des sons.  
Le silence n'est pas "absence", mais "réalité".


2.      L’expérience

La pièce 4’33 peut être vécue sous 2 angles différents, celui de l’interprète ou celui du public,  en fonction du contexte dans lequel il est interprété.


a/ L’interprète
Il doit exécuter la tourne des pages, chronomètre en main, en fonction de chaque fin de mouvement.
Le temps global des trois mouvements est 4 minutes et 33 secondes, mais le temps donné à chaque mouvement n’est pas précisé.
Bien qu’il n’y ait pas de production sonore, l’interprète mémorise les sons qui se sont produits, perçoit les sons qui se produisent et imagine les sons qui pourraient se produire.

b/ Le public
Il ne perçoit ni gestuelle instrumentale, ni production sonore. Il ne possède pas de partition.
Il se concentre donc uniquement sur l’absence de production sonore, et peut également combler ce vide par ses bruits propres (chuchotements, toussotements… etc.)
Son attention peut être attirée par les réactions du reste de l’auditoire, et l’incertitude face aux bruits qui pourraient survenir crée une tension importante.
Finalement, l’auditeur est devenu lui-même interprète de l’œuvre.


3.      Biographie

John Milton Cage (1912-1992), est né à Los Angeles et mort à New-York.
Jeune, il prend des leçons de piano, et est animateur à la radio. Entre 1930 et 1931, il voyagera en Europe pour y étudier la peinture, l’architecture et les arts plastiques.
De retour aux Etats-Unis, Henry Cowell va lui enseigner l’harmonie (qu il trouve très ennuyeuse), et les musiques orientales (qui auront une grande importance dans sa carrière).
Arnold Schönberg (exilé aux Etats-Unis à cause du nazisme) lui enseignera son nouveau système musical : le dodécaphonisme.
Cage s’orientera de plus en plus vers les percussions et les rythmes. Sa première composition date de 1937 « construction in métal ».
Il fait la rencontre de Merce Cunningham, chorégraphe et danseur, avec qui il collaborera jusqu’à la fin de sa vie (en créant notamment le « happening ») :

La représentation de Theater Piece No. 1 au Black Mountain College, par John Cage :

Cage récita de la poésie et lut des textes, M. C. Richards lut des extraits de son œuvre poétique, Robert Rauschenberg montra quelques-uns de ses tableaux et fit jouer des enregistrements sur phonographe, David Tudor joua sur un piano préparé et que Merce Cunningham dansa. Toutes ces actions se déroulèrent en même temps, et parmi le public autant que sur la scène.


4.      Le piano préparé

Attiré par les nouvelles sonorités et les percussions, Cage a un jour l’idée de modifier son piano en y insérant entre ses cordes des vis, des boulons ou des gommes.
Il invente le piano préparé, dont les sonorités se rapprochent des percussions Balinaises et des musiques orientales.


                                                   "sonata V" pour piano préparé (1912)

Le sculpteur Calder :

Né en 1898 à Lawnton (Pennsylvanie), Grand singulier de l'art moderne, Calder (1898-1976) a révolutionné l'histoire de la sculpture par sa modernité. Non seulement en la libérant de son socle, mais également en faisant du mouvement lui-même un élément de la composition. Rendu célèbre dans les années 30 par son fameux cirque miniature, il est surtout l'inventeur du dessin dans l'espace par ses sculptures en fil de fer.
Contemporain et ami de Duchamp, Miró et Mondrian qui ont influencé son évolution, cet artiste de génie - trop souvent limité à ses Mobiles - n'a cessé de renouveler son art par les formes les plus inattendues, jusqu'à ses Stabiles monumentaux aujourd'hui installés dans le monde entier.






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